Comprendre le réemploi solidaire

En 2008, L’Union Européenne a adopté une directive (n° 2008/98/CE) qui instaure une hiérarchie claire dans le traitement des déchets. La prévention y est prioritaire : un déchet évité n’a pas à être traité. Viennent ensuite le réemploi (réutiliser l’objet pour un autre usage), le recyclage (ne conserver que la matière première), puis l’incinération et enfin l’enfouissement.

La prévention de la production des déchets ne permet pas seulement d’éviter les impacts environnementaux liés au traitement des déchets, elle permet d’éviter la consommation de ressources : consommation d’énergie fossile pour la production et le transport, artificialisation des sols pour construire de nouvelles unités de production, pollutions atmosphériques liées au transport, etc. Les Ressourceries et Recycleries pratiquent la prévention (par la réparation et la sensibilisation) et le réemploi quotidiennement. Les objets sont récupérés, réparés et redistribués pour éviter la case “destruction” et ainsi être réinjectés dans l’économie directement. Elles mettent ces activités au service de leur message de sensibilisation visant à changer nos comportements de consommation et plus largement notre rapport aux objets et à l’environnement.

Source : ADEME

Les Ressourceries et Recycleries sont toutes des associations à but non lucratif qui mènent une activité de réemploi solidaire. Cela veut dire qu’elles collectent ce que les citoyens veulent donner, le valorisent (réparer, nettoyer, etc) et le redistribuent à prix solidaire. 

La différence est que les Ressourceries sont des structures dites « généralistes » : elles collectent tout type d’objets. Vous pourrez y déposer (et y trouver) des vêtements, de la vaisselle, des meubles, des livres, des bijoux, des bibelots, etc.

Les Recycleries sont spécialisées dans un secteur spécifique. Certaines se spécialisent dans les jouets, les matériaux, le textile, le sport, les jeux-vidéos, le bois, ou encore les décors de cinéma ! 

Pour savoir si une structure est spécialisée ou généraliste, vous pouvez consulter directement la carte de notre site internet

Recycler consiste à détruire un objet pour en récupérer les matières premières afin qu’elles soient réutilisées dans un nouveau processus industriel. Une bouteille en verre pourra être fondue et éventuellement redevenir une bouteille. Il constitue une alternative essentielle à l’incinération et l’enfouissement. Pour les Ressourceries, il est la voie privilégiée pour les objets ne pouvant pas être réemployés.

Toutefois, là où le réemploi permet de garder l’objet intact, le recyclage ne garde que la matière. Cette matière va devoir être transportée (en camion), traitée et transformée en un nouvel objet : un processus lourd et coûteux en énergie. En outre, contrairement à ce que prétend un mythe tenace, le recyclage à l’infini n’existe pas : il y a toujours des pertes. Il faut en moyenne 4 bouteilles en plastique pour en faire une nouvelle par exemple.

Pire, le recyclage est brandi comme une solution parfaite pour apaiser les consciences des consommateurs et des producteurs, la seule solution – “Ce n’est pas grave d’acheter cette bouteille d’eau, elle sera recyclée”. Le recyclage est utilisé comme une technique pour éviter d’avoir à répondre à la question gênante : est-ce problématique de consommer comme nous le faisons ? La meilleure façon de gérer un déchet reste toujours de ne pas le créer ! Nous ne pouvons pas utiliser le recyclage comme une façon de légitimer le jetable, il ne doit pas nous empêcher de repenser les modes de production et de consommation.

L’Ile de France est très en retard sur la plupart des engagements en faveur du zéro déchet. À l’heure actuelle : 60,3% des déchets sont incinérés, 16% sont enfouis et 15,1% sont recyclés. Le réemploi ne représente que 0,01% de ce partage.

Ce schéma de l’ORDIF (l’Observatoire Régional des Déchets) de 2021 illustre que l’écrasante majorité des déchets ménagers des franciliens finissent brûlés ou enfouis, une maigre part étant envoyée en filière de recyclage – ce qui ne veut pas dire qu’ils finissent vraiment recyclés.

La Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) fixe une réduction de 10% des déchets ménagers (DMA) en 2020 par rapport à 2010, et la loi AGEC entend accentuer l’effort en prévoyant une réduction de 15% en 2030 par rapport au niveau de 2010. Or, la région Ile-de-France a constaté qu’entre 2010 et 2019, la réduction n’a été que de 2,1%. Si une baisse s’était amorcée entre 2010 et 2015, les DMA ont même été en augmentation ces dernières années.

Sans investissement massif vers la prévention et le réemploi, il est probable que les objectifs ne soient jamais atteints.

La moitié des Ressourceries et Recycleries d’Ile de France sont des Ateliers Chantier d’Insertion (ACI). Il s’agit d’un dispositif d’aide à l’emploi dans lequel l’État cofinance une partie du salaire des employé·es. Ces postes sont réservés à des publics précaires, souvent éloignés du marché de l’emploi suite à un parcours de vie difficile. Ce dispositif permet à ces personnes de “remettre le pied à l’étrier” et se former à la grande palette des métiers du réemploi.

En donnant les objets au lieu de les jeter, les citoyens leur donnent l’opportunité de vivre une seconde vie. Sans les Ressourceries et recycleries, les objets récupérés auraient majoritairement fini à l’incinérateur ou dans des décharges (rappelons que 80% des déchets parisiens sont incinérés). Cela a d’emblée un poids conséquent pour la planète.

En 2021, les Ressourceries et Recycleries du REFER ont réemployé 4 864 tonnes d’objets. D’après un calcul de l’ADEME (sur la base d’une étude effectuée en 2014 auprès de la Glanerie, une Ressourcerie toulousaine), chaque tonne réemployée correspond à 0,462 tonnes de CO2 non émis. On peut donc estimer que les associations du REFER ont économisé 2248,50 tonnes de CO2, ce qui représente près de 10 millions de kilomètres d’avion ou près de 5,000 trajets Paris-New York.
Nous travaillons à affiner ces chiffres, notamment en insérant une typologie par type d’objet.

Les Ressourceries ont une activité de vente d’objets de seconde-main. Cela peut amener de la confusion car de plus en plus d’acteurs privés développent une offre de seconde-main.

Le réemploi solidaire et le réemploi à but lucratif se distinguent pourtant dans le fond comme dans la forme. Les Ressourceries et Recycleries participent à l’insertion des personnes éloignées de l’emploi, animent la vie des quartiers par l’organisation d’ateliers et de rencontres régulières, participent à la création de lien social et vendent dans une logique de redistribution plutôt que de rétribution.

Association de loi 1901 dans leur immense majorité, leur gouvernance est bénévole et leur objectif non lucratif. Cela signifie que l’ensemble de leurs revenus issus des ventes et des subventions est tourné vers la création d’emplois, le paiement de leur loyer, l’animation d’ateliers ouverts à tous et dans le développement d’une myriade de projets qui font exister le réemploi et la solidarité de demain.

Les acteurs du réemploi lucratif donneront, par essence, la priorité à leurs objectifs de rentabilité et de profit au détriment des considérations d’intérêt général qui sont au cœur de l’action des acteurs du réemploi solidaire. La logique commerciale de ces acteurs les poussent à faire de la seconde-main un avantage comparatif dans la course aux consommateurs et une force motrice pour les achats de produits neufs, dans le rayon juste à côté.

Plus d’infos sur les Ressourceries et Recycleries françaises.

D’après l’ADEME, pour traiter 10,000 tonnes, le :

  • Le réemploi solidaire crée 850 emplois à temps plein ;
  • Le réemploi marchand crée 79 emplois à temps plein ;
  • Le recyclage ≈ 11 emplois à temps plein ;
  • L’incinération : 3 emplois à temps plein ;
  • L’enfouissement : 1 emplois à temps plein.

Source

Cela signifie que les Ressourceries, Recycleries, Emmaüs, etc sont beaucoup plus créatrices d’emplois que les autres filières de traitement de déchets. Parce que nous considérons que l’accès à l’emploi est une priorité et ce directement dans les quartiers. Ce sont donc des emplois non délocalisables. 

 

Le coût de gestion des déchets est considérable. En France, il représente le premier poste de dépense des collectivités territoriales. À Paris, il est de 545€ par tonne de déchet encombrant traitée : il faut ramasser les déchets, les transporter, organiser le tri puis le traitement (majoritairement l’incinération).

Or, si une partie de ces déchets est inévitable et doit être traitée par les processus classiques, une part non négligeable pourrait être redirigée vers les Ressourceries. Chaque tonne d’objets collectée par les Ressourceries est une tonne que les services municipaux n’ont pas à gérer. Ces objets sont gérés localement, triés à la main par des salariés (dont une partie en insertion) et des bénévoles. Les objets s’offrent une seconde vie dans le quartier, acheté par ses habitant·es, sans émission de CO2 supplémentaire.

À cela on peut rajouter l’économie réalisée en termes de CO2 non émis : le réchauffement climatique coûte cher aux États et collectivités.  Aujourd’hui en France, la taxe carbone fixe à 44,60€ la tonne de CO2. Ce prix varie selon la volonté des États et du secteur. Le GIEC, en 2010, avait estimé que le coût serait de 100€/tonne en 2030 et certains économistes à 400€/tonne en 2050. En fait, plus le temps passe, plus la tonne de carbone devient coûteuse car les efforts pour réduire le réchauffement deviendront urgents. En 2021, les Ressourceries et Recycleries du REFER ont réemployé 4864,93 tonnes d’objets. D’après un calcul de l’ADEME (sur la base d’une étude effectuée en 2014 auprès d’une Ressourcerie toulousaine), chaque tonne réemployée correspond à 0,462 tonnes de CO2 non émis. Par conséquent, on peut estimer que les adhérents du REFER ont économisé 2248,50 tonnes de CO2. Outre le bénéfice environnemental (plus de 10 millions de kilomètres de voiture), c’est une économie de 550 380 € pour la collectivité (sur la base de l’approche comptable de l’Insee pour 2020).

Enfin, il y a un bénéfice économique au regard des emplois créés sur les territoires. Pour traiter 10,000 tonnes de déchets, passer par des Ressourceries crée 850 fois plus d’emplois que passer par l’enfouissement, par exemple. Une bonne partie de ces emplois sont en insertion, c’est-à-dire ciblant des personnes éloignées du marché de l’emploi, au chômage notamment. Une étude belge (SST 2015) a montré que le retour net pour la société et le gouvernement de la réinsertion d’un chômeur via une entreprise d’insertion est de 12,000 euros.

Les trois correspondent à des façons de financer l’enlèvement des déchets.

La Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) est un système où le montant payé ne dépend pas du service rendu. La TEOM est aisée à mettre en œuvre pour la collectivité, qui n’a pas à identifier les usagers du service, à émettre les factures ni à en assurer le recouvrement, car elle est imposée et perçue par les services fiscaux.

La Redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) est un système où l’usager paie selon le service rendu. Il peut être vu comme plus équitable que la TEOM.

La Tarification Incitative (TI) est un levier utilisé pour réduire la production de déchets. L’idée est que l’on paye sa taxe ou redevance selon les déchets qu’on produit : moins de déchets = moins à payer. Elle est encore au stade expérimental, mais donne lieu à de bons résultats. La ville de Besançon a adopté la REOM incitative en 1999 par exemple.

Les principaux effets constatés de la mise en œuvre d’une tarification incitative sont les suivants :  

  • Diminution de la production d’ordures ménagères résiduelles par habitant, 
  • Amélioration des collectes séparées,  
  • Forte proportion de territoires (80%, 36/45 collectivités) où une diminution globale des déchets collectés est constatée, 
  • Stabilisation ou réduction du coût du Service Public de Gestion des Déchets par habitant dans 11 collectivités en redevance incitative sur 15 étudiées.

La Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) prévoit la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets. 

Source : ADEME 2015

Pour en savoir plus

L’obsolescence programmée est une pratique utilisée par les grandes marques pour rendre les produits volontairement fragiles et éphémères et pousser à la consommation. On dispose aujourd’hui de la technologie suffisante  pour produire des vêtements solides et durables, mais la logique de profit pousse les producteurs à limiter la durée de vie de certains objets à 3 mois quand elle pourrait aller jusqu’à 10 ans. Par exemple, une ampoule classique dure en moyenne 800 heures aujourd’hui contre 2300 en 1921.

Cela engendre des dégâts considérables pour l’environnement et grève les finances des ménages. La Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) a fait de l’obsolescence programmée un délit, définit comme tel :

L’obsolescence programmée se définit par l’ensemble des techniques, y compris logicielles, par lesquelles le metteur sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie.

Une des difficultés de pouvoir prouver que le producteur a délibérément conçu un produit à la durée de vie limitée, notamment pour encourager son remplacement. Cet élément sera apprécié par le juge d’instruction lors des procès.

Un autre aspect important est l’obsolescence culturelle. Ici, ce n’est pas parce que l’ancien produit est devenu inutilisable ou impraticable qu’il est jeté. Il n’est pas trop vieux pour fonctionner, il est simplement passé de mode. L’iPhone 11 est encore très bien, mais Apple crée de l’engouement pour le 12 alors on se rue à la queue du magasin.

En savoir plus sur le site d’Halte à l’Obsolescence Programmée.

Le Greenwashing est une pratique visant à prétendre agir positivement sur l’environnement au travers d’une communication “verte”, sans réel changement de pratiques sur le fond. Par exemple, utiliser le vert ou des évocations à la nature (publicité, étiquette d’un produit) pour faire croire que le produit est plus écologique.

Le Greenwashing répond à une prise de conscience, par l’opinion publique, de la nécessité de protéger l’environnement et donc de consommer des produits plus “écoresponsables”. Par exemple, les problèmes de déforestation causés par la consommation d’huile de palme conduisent certains consommateurs à refuser l’achat de Nutella, riche en huile de palme. Les industriels ont réalisé l’enjeu économique qu’il y avait à cibler cette clientèle en apaisant sa conscience grâce à une publicité particulière. Mais changer réellement les pratiques sur le terrain coûte plus cher qu’une campagne de communication, et la tentation est grande pour ces industriels de ne pas faire suivre la parole par les actes.

Le Greenwashing est également utilisé par des personnalités publiques ou politiques qui ont compris que les électeurs attachent de l’importance à la protection de l’environnement et communiquent en ce sens. Malheureusement, les politiques engagées concrètement ne suivent pas nécessairement les grands discours.

Le ministère de l’économie définit l’économie sociale et solidaire (ESS) comme un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale.

Ces entreprises adoptent des modes de gestion démocratiques et participatifs. Elles encadrent strictement l’utilisation des bénéfices qu’elles réalisent : le profit individuel est limité et les résultats sont réinvestis. Leurs ressources financières sont généralement en partie publiques.

L’économie circulaire vise à changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits. Le réemploi s’inscrit dans cette logique, en permettant aux objets de retourner sur le marché, sans passer par la case “destruction”.